Les pays de la Watchlist comptent pour environ 10 % de la population mondiale, mais près de 86 % des besoins humanitaires mondiaux, 70 % des personnes déplacées, et une part croissante des personnes en proie à l'extrême pauvreté et aux risques climatiques
Le rapport met en garde contre l'aggravation des crises humanitaires sous l'effet des risques climatiques, des conflits, des tensions économiques, de la montée de l'impunité et de la baisse du soutien de la communauté internationale.
14 December 2023 — Aujourd'hui, l'̽»¨¾«Ñ¡ (̽»¨¾«Ñ¡) publie son Emergency Watchlist annuelle des 20 pays les plus menacés par une aggravation de la situation humanitaire en 2024. Le Soudan, les Territoires palestiniens occupés et le Sud-Soudan sont en tête de liste. Les 20 pays de la Watchlist représentent environ 10 % de la population mondiale, mais près de 86 % des besoins humanitaires mondiaux.
Le Soudan, où des affrontements ont éclaté en avril 2023, est en tête de Watchlist cette année, alors qu'il ne figurait pas parmi les dix premiers pays l'année dernière. La guerre urbaine à grande échelle, le peu d'attention de la communauté internationale et le risque de contagion régionale menacent d'entraîner une détérioration dramatique de la situation en 2024, alors que 25 millions de personnes ont déjà besoin d'aide humanitaire et que 6 millions ont été déplacées.
Les territoires palestiniens occupés occupent la deuxième place sur la Watchlist cette année. Gaza devient en 2024 l'endroit le plus meurtrier pour les civils dans le monde. À la suite des terribles attaques du 7 octobre menées par le Hamas, les bombardements israéliens sur les hôpitaux et les infrastructures, le refus d'accès à l'aide humanitaire et les déplacements massifs de population signifient que 3 millions de personnes à Gaza auront besoin d'une aide humanitaire en 2024. L'̽»¨¾«Ñ¡ s'attend à des besoins encore plus importants en 2024, notamment en raison de l'effondrement imminent du système de santé gazaoui.
Le Soudan du Sud continue de souffrir des pires impacts du conflit et du changement climatique, avec des inondations provoquées par El Niño annoncées pour l'année prochaine. Les impacts de la guerre au Soudan menacent de déstabiliser encore davantage l'économie fragile du pays, et l'̽»¨¾«Ñ¡ prévoit une recrudescence de la violence à l'approche des toutes premières élections du pays, qui doivent se tenir en décembre 2024.
Pour la première fois, huit des dix premiers pays de la Watchlist se trouvent en Afrique. Sur le continent, certains pays connaissent une croissance rapide et une hausse des niveaux de vie. Cependant, les conflits, les coups d'État et la pauvreté augmentent à un rythme alarmant. Depuis 2010, le nombre de groupes armés opérant dans les pays africains figurant sur la Watchlist a plus que doublé, et près de la moitié d'entre eux ont connu des prises de pouvoir anticonstitutionnelles au cours des cinq dernières années.
Le rapport met en évidence le fait que les conflits, la crise climatique, la fragilité des États et les situations d'urgence économique se conjuguent : 14 pays de la Watchlist figurent sur la liste des États où l'on trouve à la fois des conflits et une vulnérabilité climatique extrême.
La Watchlist réfute une série d'arguments fallacieux en les qualifiant d’ “idées reçues" : les pays riches accueilleraient une part disproportionnée des réfugiés, les camions d'aide suffiraient à secourir les populations civiles ou l'inégalité entre les sexes ne serait pas une préoccupation essentielle. En revanche, le rapport identifie six priorités d'action urgente, notamment une nouvelle approche de l'action climatique pour favoriser l'adaptation économique dans les États fragiles ; le recours aux organisations de la société civile pour apporter un soutien là où les gouvernements ne peuvent pas intervenir ; le réengagement urgent et l'augmentation du soutien aux États fragiles et en conflit basé sur des dons dans le cadre de l'aide internationale au développement ; le soutien à la prospérité collective grâce à des mesures de protection sociale renforcées, et de nouvelles mesures pour enrayer le fléau de l'impunité.
David Miliband, président-directeur général de l'̽»¨¾«Ñ¡, a déclaré :
"Pour de nombreuses personnes que l'̽»¨¾«Ñ¡ sert, les temps sont terriblement durs. Aujourd'hui, la concentration croissante des besoins humanitaires mondiaux dans les pays de la Watchlist est due à des facteurs tels qu’une exposition disproportionnée aux risques climatiques, l'impunité croissante dans les zones de combat, l'augmentation des conflits et l'accroissement de la dette publique conjugué à la diminution de l'aide internationale. Les chiffres énoncés et les témoignages relatés dans ce rapport ne sont pas uniquement des problèmes auxquels est confronté l'̽»¨¾«Ñ¡, mais bien ceux de toute la planète. Ils méritent d'être appréhendés et résolus.
"Aujourd'hui, la crise à Gaza fait, à juste titre, la une des journaux. Et pour cause : c'est actuellement l'endroit le plus dangereux au monde pour les civils. Le fait que les territoires palestiniens occupés occupent la deuxième place dans la Watchlist en est le reflet. Mais la Watchlist est là pour rappeler que d'autres régions du monde sont également en péril, pour des raisons structurelles liées aux conflits, au climat et à l'économie. Nous devons être capables de répondre à plus d'une crise à la fois.
"Face aux tensions croissantes, la Watchlist est une mise en garde contre la passivité et l'inertie. Il existe de nombreuses 'réponses' qui sont tout simplement fausses. Dans la Watchlist de cette année, nous rejetons une série d’idées reçues erronées, souvent bien pratiques, qui obstruent non seulement notre vision de la situation géopolitique nouvelle des crises mondiales, mais aussi la façon dont nous pouvons les surmonter. Les livraisons par camion ne suffisent pas à acheminer l'aide ; les travailleurs humanitaires et les civils doivent être en sécurité. L'Europe et les États-Unis n'accueillent pas une part excessive de réfugiés ; la plupart d'entre eux se trouvent dans des pays beaucoup plus pauvres. Le changement climatique n'est pas une question pour demain ; la crise climatique sévit déjà aujourd'hui dans les pays figurant sur la Watchlist.
" Au-delà des idées reçues, il y a des solutions qui, si elles étaient mises en œuvre, pourraient être bien plus efficaces. C'est l'objet de nos recommandations. Elles appellent les États, la société civile, les organisations multilatérales et le secteur privé à adopter une nouvelle approche. C'est pourquoi nous mettons l'accent sur la nécessité d'accorder davantage d'importance à l'adaptation au changement climatique et à la participation des femmes, la Banque mondiale doit privilégier la dimension humaine et de nouvelles mesures doivent être prises pour enrayer le problème de l'impunité. Il est urgent de débattre de ces questions, et plus encore d'y apporter des réponses concrètes."
Aperçu de la Watchlist 2024 de l'̽»¨¾«Ñ¡ :
Top 10
- Soudan
- Territoires Palestiniens occupés
- Soudan du Sud
- Burkina Faso
- Myanmar
- Mali
- Somalie
- Niger
- Ethiopie
- République Démocratique du Congo
Deuxième moitié non classée
- Afghanistan
- République Centrafricaine
- Tchad
- Equateur
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- Liban
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- Syrie
- Ukraine
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Au cours de la dernière décennie, le rapport Emergency Watchlist a réussi à prédire en moyenne 85 à 95 % des 20 pays confrontés aux pires détériorations humanitaires et a permis à l'̽»¨¾«Ñ¡ de déterminer sur quels pays concentrer ses efforts en matière de préparation aux situations d'urgence. Il est basé sur un processus analytique rigoureux qui déploie 65 variables quantitatives et qualitatives, ainsi que des informations qualitatives issues de l'expérience de terrain de l'̽»¨¾«Ñ¡ dans plus de 50 pays à travers le monde, afin d'identifier les pays à inclure dans la liste et de les classer.
Principales tendances :
L'analyse de l'̽»¨¾«Ñ¡ identifie plusieurs principales tendances observées dans tous les pays de la Watchlist qu'il est essentiel de prendre en compte au cours de l'année à venir. Premièrement, les conflits armés et le changement climatique coïncident de plus en plus souvent au même endroit et au même moment. Le pourcentage de conflits qui ont lieu dans des pays vulnérables au climat est passé de 44 % à 67 % au cours des trois dernières décennies. Les pays figurant sur la Watchlist contribuent à moins de 2 % des émissions mondiales de carbone, mais sont affectés de manière considérable par la crise climatique, qui devrait s'aggraver l'année prochaine dans de nombreux pays touchés par le phénomène El Niño.
Le nombre de groupes armés dans les pays de la Watchlist est plus élevé que jamais, et le rôle des puissances régionales ou mondiales dans le déclenchement des conflits est de plus en plus important. 90 % des victimes des conflits sont des civils. Les parties au conflit restreignent également l'accès à l'aide humanitaire et s'en prennent au personnel humanitaire sans avoir à craindre de conséquences diplomatiques ou juridiques.
Les opérations humanitaires en réponse aux crises croulent sous le poids des contraintes liées à l'accès, aux ressources et à la réalité politique. Elles restent sous-financées et l'augmentation globale de la dette publique empêche les gouvernements de répondre efficacement aux crises humanitaires. Douze des vingt pays figurant sur la liste de surveillance sont déjà en situation de surendettement ou présentent un risque modéré à élevé d'y être confrontés.
Grandes idées reçues :
Cette année, la Watchlist de l'̽»¨¾«Ñ¡ met également en lumière cinq grandes idées reçues qui sous-tendent ou confortent l'inaction de la communauté internationale :
- L'accès à l'aide humanitaire peut être mesuré uniquement en termes de chargements de camions d’aide;
- On ne peut rien faire si l'on ne travaille pas en collaboration avec les gouvernements;
- Les États-Unis et l'Europe accueillent déjà largement leur part de réfugiés ;
- La réduction des émissions carbone prime sur l'adaptation à la crise climatique ;
- L'égalité des sexes n'est pas une question vitale.
Principales recommandations de l'̽»¨¾«Ñ¡ :
1. Sauver des vies dans les États fragiles et touchés par des conflits en investissant dans l'adaptation au climat, la résilience et l'action anticipée :
- 50 % de l'ensemble des financements publics pour le climat destinés aux pays en développement devraient être alloués à des mesures d'adaptation d'ici 2025, conformément à l'objectif fixé par le Secrétaire général de l'ONU.
- 20 % de l'ensemble des financements des banques multilatérales de développement (BMD) et des autres financements multilatéraux pour le climat destinés aux pays touchés par les conflits et le climat devraient être acheminés par l'intermédiaire d'organisations non gouvernementales, y compris des ONG locales et des organisations dirigées par des femmes.
- Un minimum de 5 % des budgets humanitaires devrait être consacré à l'action anticipée, avec une stratégie d'expansion d'ici à 2030.
2. S'attaquer à l'extrême pauvreté et aux causes de l'augmentation des besoins humanitaires.
- Accroître la capacité de la Banque mondiale à travailler dans des situations d'urgence complexes grâce à de nouveaux partenariats.
- Accroître les investissements dans les mécanismes de protection sociale et les transferts en espèces. Les bailleurs et les banques de développement devraient étendre l'assistance sociale inclusive et le soutien en espèces, en mettant particulièrement l'accent sur l'Afrique.
- Mettre en place un nouveau mécanisme pour prévoir les implications des chocs économiques sur les besoins et les réponses humanitaires. Les États membres de l'ONU devraient mettre en place et financer un mécanisme inter-agences pour faire face à l'impact humanitaire de la fragilité économique, au sein de l'UN-OCHA.
3. Donner la priorité à l'égalité de genre dans la réponse aux crises et transférer le pouvoir et les ressources aux organisations dirigées par des femmes.
- Accélérer les réformes en matière de financement commun.
- Les donateurs bilatéraux devraient augmenter le niveau de financement humanitaire qu'ils canalisent par le biais de fonds féministes - tels que le Fonds pour l'égalité et le Fonds pour les femmes, la paix et l'aide humanitaire. Repenser les approches en matière de conformité et de partage des capacités pour des partenariats équitables avec les organisations dirigées par des femmes.
4. Promouvoir une prospérité collective en augmentant l'aide et en s'attaquant à la crise de la dette.
- De nouveaux investissements dans l'adaptation au climat, la réponse humanitaire et la réduction de la pauvreté - des interventions qui ne peuvent être envisagées en vase clos.
- L'̽»¨¾«Ñ¡ réitère son appel aux donateurs du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE pour qu'ils consacrent la moitié de leur aide publique au développement (APD) bilatérale aux États fragiles et touchés par des conflits.
- Les donateurs devraient s'efforcer d'obtenir une reconstitution ambitieuse de l'Association internationale de développement (IDA21) tout en s'engageant à tripler l'IDA d'ici 2030. S'attaquer au fardeau de la dette dans les pays de la Watchlist en explorant et en développant les approches actuelles et nouvelles pour alléger le fardeau des stocks de dette des créanciers, afin de soutenir l'investissement dans la réponse humanitaire, l'adaptation au climat et la protection sociale.
5. Soutenir et protéger les personnes contraintes de quitter leur foyer.
- Accueil humain - Les gouvernements devraient s'efforcer d'appliquer systématiquement une approche axée sur la protection dans la conception des processus d'accueil afin de permettre aux demandeurs d'asile de trouver une protection et d'accéder aux services sociaux, et aux États de maintenir des processus sûrs et ordonnés à leurs frontières et, ce faisant, de réduire la pression exercée sur les systèmes d'asile.
- Les bailleurs de fonds et les banques multilatérales de développement (BMD) doivent soutenir les initiatives qui offrent de réelles possibilités d'autosuffisance. Le cas échéant, les bailleurs de fonds et les banques multilatérales de développement doivent également plaider en faveur de changements réglementaires et législatifs, notamment en ce qui concerne la liberté de circulation et le droit au travail, afin de faciliter l'inclusion et de soutenir la capacité d'autosuffisance.
- Un financement prévisible et pluriannuel devrait être mobilisé pour soutenir les interventions humanitaires et de développement qui répondent aux besoins des personnes déplacées et de leurs communautés d'accueil. Ces efforts doivent tenir compte des besoins spécifiques des femmes déplacées.
5. Mettre fin à l'impunité et renforcer le droit humanitaire international.
- Proposer les mêmes mécanismes que ceux autorisés par l'Assemblée générale des Nations unies, le Conseil des droits de l'homme et bilatéralement en réponse à l'invasion de l'Ukraine pour les nouvelles crises, dans le cadre d'un nouveau " mécanisme de redevabilité ".
- Soutenir la déclaration France-Mexique visant à suspendre l'utilisation du droit de veto en cas d'atrocités de masse, la détermination de ce qui constitue une atrocité de masse devant être effectuée par un groupe indépendant et neutre, comme l'a établi l'Assemblée générale des Nations unies.
- Créer une nouvelle organisation indépendante d'accès (IAO) afin d'améliorer les rapports sur l'accès humanitaire, de sensibiliser à ses impacts et de catalyser l'action des décideurs politiques aux niveaux mondial, régional et national.